Pathologie de la muqueuse buccale

LA PATHOLOGIE DE LA MUQUEUSE BUCCALE 

La muqueuse de la bouche, en dehors de l’épithélium de la langue, est, dans sa constitution, très proche de la peau. Toute agression, qu’elle soit bactérienne, virale, mycologique (champignon), physique ou chimique, pourra entrainer une modification de sa structure et de son intégrité.

Cette atteinte, bien que le plus souvent bénigne, peut constituer un « terrain » propice à une éventuelle dégénérescence en tumeur maligne. C’est pourquoi toute lésion persistant malgré la suppression de sa cause présumée, doit faire l’objet d’une biopsie.

En pratique : Vous avez détecté dans la bouche une lésion dont la nature vous inquiète : il FAUT donc consulter votre stomatologue ou à défaut votre médecin généraliste.

LA CONSULTATION

L’examen clinique, comme toujours en médecine, est primordial car permettant de détecter une lésion buccale faisant partie d’une maladie générale.

Cet examen est complet et, outre la cavité buccale et l’aire cervico-faciale, portera également sur la peau et d’autres organes

LA CAVITE BUCCALE

Le médecin : ganté et aidé par un bon éclairage

L’examen : effectué grâce à une lampe frontale, d’abaisse langue en bois et d’un miroir, il permet d’explorer, par la vision et le toucher, l’ensemble de la muqueuse buccale.

1 – La Muqueuse : Très méthodique, l’inspection examine chaque région de la cavité buccale de l’extérieur vers l’intérieur même si la lésion apparaît au premier coup d’œil. Une attention toute particulière est portée sur les replis entre la joue et les gencives ainsi qu’au niveau des commissures des lèvres. L’examen de la muqueuse du palais est facilité par l’emploi du miroir de bouche. La palpation, en particulier celle des joues, des lèvres et du plancher, est primordiale.

L’examen se termine par l’inspection du voile du palais, des amygdales et de la paroi postérieure du pharynx (derrière la luette).

La couleur de la muqueuse normale est d’aspect rosé et s’explique par la présence de mélanine (protéine sécrétée par les cellules de l’épithélium et de couleur brune) et de l’hémoglobine (de couleur rouge) présente dans les vaisseaux.

2 – La Langue : est examinée sur toutes ses faces et ses bords, au besoin aidé par une traction douce au moyen d’une compresse.

3 – Les Glandes Salivaires : Elles sont au nombre de SIX dites « principales » : deux glandes parotidiennes (situées en avant de l’oreille), deux glandes sous mandibulaires (situées sous la mâchoire)et deux glandes sub linguales (sous la langue). Leur examen clinique est effectué par un palpé endo et exo buccal. On note par ailleurs l’aspect de leur orifice de drainage situé :

    • pour la parotide : face interne des joues
    • pour la sous mandibulaire : sous la langue
    • L’aspect de la salive qui s’écoule est également noté.

4 – Dents et Prothéses Dentaire : Les dents, leur nombre, leur aspect et leur position par rapport aux autres dents est consigné sur un schéma écrit ainsi que la présence de travaux de dentisterie (amalgames, résines), de prothèses fixes (couronnes, bridges) ou de prothèses mobiles (dentiers).

LA TETE ET LE COU

L’examen clinique explore la totalité du revêtement cutané, cuir chevelu compris. Les fonctions neurologiques, les structures osseuses ainsi que les orifices naturels (narines et oreilles) sont également examinés. Par ailleurs une palpation des aires ganglionnaires du cou et de la face est effectuée.

Parallèlement à ce bilan clinique des examens complémentaires, effectués ou prescrits, sont souvent nécessaire pour aider, guider ou conforter le diagnostic

Il peut s’agir :

  • D’un prélèvement sanguin
  • De tests permettant d’évaluer la fonction salivaire : test au sucre,scintigraphie..
  • D’une radiographie : panoramique dentaire
  • D’un frottis (analogue au frottis vaginal)
  • D’une biopsie (prélèvement d’un petit morceau de muqueuse sous anesthésie locale permettant une analyse au microscope)

Ce bilan clinique et para clinique permet le plus souvent d’établir un diagnostic. Nous présentons au lecteur la description des lésions les plus communément rencontrées.

La coexistence fréquente de lésions de natures différentes IMPOSE une consultation spécialisée dés l’apparition d’une modification persistante de la muqueuse.

LESIONS

  • LES APTHES
  • LA CANDIDOSE
  • LES LÉSIONS BLANCHES
  • LE LICHEN
  • LES LÉSIONS ROUGES
  • LES LÉSIONS PIGMENTÉES

LES APHTES

Lésions buccales bénignes, elles sont un motif fréquent de consultation. Leur mécanisme d’apparition correspond à une atteinte des vaisseaux de la muqueuse. Le terme  » d’aphtes  » est trop et souvent mal employé.

Il s’agit d’une ulcération douloureuse de la muqueuse de taille variable, de localisation unique ou multiples et siégeant préférentiellement au niveau de la lèvre inférieure, des joues et de la pointe de la langue. Le plus souvent précédés de picotements (48 h), son aspect typique est celui d’une ulcération à fond jaunâtre ou grisâtre, à bords nets, entourée par un liseré rouge.

Les facteurs connus favorisant son apparition sont :

  • Le stress
  • Certains aliments : noix, gruyère..
  • Certains médicaments
  • Les déficits vitaminiques

Les points ESSENTIELS à retenir sont les suivant :

  • Un aphte commun est : DOULOUREUX et CICATRISE en 10 à 15 jours
  • Toute autre ulcération persistante, DOIT faire l’objet d’une consultation spécialisée au plus tôt car, d’autres origines sont possibles en particulier cancéreuses.

LA CANDIDOSE

Elle est le résultat de la colonisation, en masse, de la bouche par un champignon dont la présence y est naturelle : Candida Albicans. Atteignant de manière préférentielle le nouveau-né et la personne âgée, elle survient, à l’age adulte, lors d’une altération des défenses locales de l’organisme.

Par exemple :

  • Diabète
  • Prise de médicaments (antibiotiques)
  • Sécheresse buccale
  • Dénutrition

L’aspect clinique de la candidose est :

  • Soit un aspect blanchâtre fait de multiples plaques blanches situées sur la langue, voire le palais et les faces internes des joues, réalisant un aspect de « fromage battu »
  • Soit une langue rouge vif, lisse et douloureuse

Dans la majorité des cas le diagnostic est essentiellement clinique et un traitement approprié est efficace assez rapidement. Dans le doute, un prélèvement est effectué (frottis) permettant la mise en évidence du champignon en culture.

Parallèlement, le praticien recherche les facteurs favorisants, en particulier une pathologie associée, de façon à éviter les récidives

LES LÉSIONS BLANCHES

Les lésions intra-buccales d’aspect blanchâtre sont nombreuses et leur nature va de la lésion la plus bénigne à une lésion pré voire déjà cancéreuse.

Pour résumer, il n’existe PAS (à l’état normal) de zone blanche dans la cavité buccale en dehors de la « linea alba » qui correspond à la projection, sur la joue, de la ligne d’occlusion dentaire.

Si une zone blanche apparaît en bouche c’est qu’IL SE PASSE QUELQUECHOSE

Les origines en sont diverses :

  • Irritatives : Tabac, traumatisme (dents ou prothèse dentaires), thermique, chimique
  • Infectieuses : Candidose (champignon), virale, bactérienne.
  • Intégrée dans une maladie plus générale : Lichen, lupus, psoriasis

Symptomatiques d’une tumeur bénigne (papillomatose, diapneusie) ou d’un véritable cancer malin.

On comprend alors fort bien que devant se large éventail, la nature exacte d’une lésion blanche doit être du ressort d’un médecin spécialiste.

En résumé : l’apparition récente d’une lésion blanche IMPOSE RAPIDEMENT une consultation spécialisée pour une meilleure prise en charge.

LE LICHEN

Il atteint de façon prépondérante les femmes et peut se localiser au niveau de la muqueuse buccal comme au niveau de la peau. Généralement non douloureux, il peut se révéler par une sensation de brûlure ou de goût métallique dans la bouche.

Il prend, souvent, un aspect de stries blanchâtres entrelacées, localisées au niveau de la face interne des joues.

Des érosions douloureuses peuvent cependant apparaître lors des poussées

Le mécanisme de son apparition n’est pas encore élucidé mais il pourrait s’agir d’une réaction inflammatoire de l’organisme contre la muqueuse buccale déclenchée par différent stimuli.

Pour compliquer cette description, il faut noter que l’aspect de ce lichen peut être tout autre. Il peut s’agir en effet d’une zone rouge érodée, d’une zone fibreuse ou encore pigmentée et même d’une vésicule.

En dehors d’un aspect clinique très caractéristique, le médecin sera potentiellement amené à pratiquer une biopsie afin d’affirmer le diagnostic.

Le traitement est ESSENTIELLEMENT MEDICAL, basé sur « l’activité » de ce lichen qui peut être variable dans le temps et dans son intensité. La suppression de facteurs connus pour favoriser l’apparition de ce lichen est également nécessaire.

Un suivi clinique régulier (environ tous les 6 mois) s’impose sur le long terme, afin de prévenir une éventuelle transformation en cancer.

Enfin, un traitement chirurgical peut, dans des cas bien précis (notamment d’extension locale), être nécessaire.

LES LÉSIONS ROUGES

Les lésions rouges se distinguent par leur couleur mais aussi, et surtout, par leur plus grande difficulté à être diagnostiquées du fait même de cette absence de contraste avec la muqueuse saine.

Tout comme les lésions blanches, les lésions rouges sont l’expression potentielle d’une atteinte tout à fait bénigne comme celle d’une tumeur maligne.

Leur origines sont, de même, diverses :

  • Irritatives : Tabac, prothèse dentaire
  • Infectieuses : Candidose, tuberculose
  • Intégrées dans une maladie générale : Lichen, psoriasis
  • Symptomatique : D’un état pré cancéreux voire d’un cancer véritable

De façon identique aux lésions blanches, l’apparition récente d’une lésion rouge, douloureuse ou non, DOIT faire l’objet d’un examen clinique par un spécialiste qui jugera de l’opportunité, après interrogatoire, d’effectuer des examens complémentaires utiles au diagnostic (prise de sang, coloration spéciale, frottis/biopsie)

LES LÉSIONS PIGMENTÉES

La couleur de la muqueuse normale est due à la présence de mélanine (protéine sécrétée par les cellules de l’épithélium et de couleur brune) et d’hémoglobine (de couleur rouge). Cet aspect rosé est du au fait qu’il existe une plus grande proportion de pigment d’origine sanguine que d’origine mélanocytaire (cellules sécrétant la mélanine).

De façon générale, et en dehors des facteurs ethniques ( Noirs et Maghrébins), il n’existe PAS de zones hyper pigmentées intra buccales chez le sujet de race blanche.

Aussi, la découverte d’une, ou de plusieurs, plages brunes, bleutées voire noirâtres DOIT faire l’objet d’une consultation spécialisée. Comme toujours l’examen clinique de la cavité buccale mais aussi de la peau et des phanères (ongles) est effectué. Il permettra, associé ou non à une biopsie, d’établir un diagnostic.

Les causes d’apparition d’une ou plusieurs plages hyper pigmentées sont diverses et variées. L’énumération de ces causes n’a que peu d’intérêt pour le lecteur car entrant généralement dans le cadre de syndromes complexes et le plus souvent bénins.

Il est cependant souhaitable d’attirer l’attention sur la nécessaire attitude préventive d’un examen effectué par un spécialiste pour dépister au plus tôt les exceptionnelle tumeurs plus agressives ( MELANOME).

QUELQUES ATTEINTES DES GLANDES SALIVAIRES

Nous abordons dans ce chapitre les atteintes les plus communément retrouvées lors des consultations et qui sont constituées par :

  • Les calculs des glandes salivaires
  • Le syndrome de bouche sèche

La salive, excrétée de manière constante mais variable, est issue de la production de glandes dont l’unique fonction est de sécréter un liquide permettant de maintenir une ambiance humide dans la cavité buccale et d’y déverser des enzymes susceptibles d’aider à la digestion des aliments.

Ces glandes se repartissent en :

  • SIX glandes dites « principales » : deux glandes sous mandibulaires,deux glandes parotidiennes et deux glandes sub linguales
  • Une MULTITUDE de glandes dites « accessoires » disséminées dans la muqueuse de la cavité buccale.

LES CALCULS DES GLANDES SALIVAIRES

La maladie dite LITHIASIQUE, fait référence à la présence dans les glandes salivaires principales, et plus rarement au niveau des glandes accessoires, d’un obstacle physique (le calcul), en l’occurrence constitué majoritairement de sels de calcium, dans la glande ou son canal excréteur.

Les glandes les plus fréquemment atteintes (90 à 95 %) sont les GLANDES SOUS MANDIBULAIRES

Cet obstacle gène l’écoulement salivaire et engendre :

  • Un GONFLEMENT de la glande juste avant et pendant les repas
  • Une DOULEUR au niveau de cette glande
  • Et une éventuelle INFECTION de la glande due à la stase de la salive.

La présence d’un tel tableau clinique (douleur + gonflement), IMPOSE donc une consultation spécialisée afin d’établir le diagnostic et d’y apporter le traitement adéquat pour éviter la complication redoutée : L’ABCES.

La consultation comprend :

1. L’interrogatoire qui précise le début des symptômes dans le temps et qui recherche une symptomatologie douloureuse rythmée par les repas

2. L’examen clinique : est à la fois endo-buccal avec visualisation des orifices de drainage des deux glandes dans la bouche et exo buccal avec palpation des glandes salivaires.

3. Les examens complémentaires nécessaires :

  • Radiographie de la mâchoire
  • Radiographies spéciales dites  » mordu occlusal  » permettant de visualiser la zone située sous la langue.
  • Une sialographie ( examen radiologique visualisant les canaux salivaires par injection de produit radio opaque)
  • Une échographie
  • Une prise de sang pour bilan biologique

Les principes du traitement :

Le traitement médical associe : Anti-inflammatoires, anti-spasmodique et médicaments accélérant la vidange salivaire. Les antibiotiques sont réservés en cas d’infection.

Le traitement chirurgical visant à extraire le calcul ou la glande toute entière peut être nécessaire et s’effectue alors soit sous Anesthésie Locale soit sous Anesthésie Générale.

L’intervention sous anesthésie locale :

  • Ne concerne que l’ablation des calculs et non de la glande toute entière.
  • Effectuée en quelques minutes.
  • N’a pour conséquence qu’une plaie minime en bouche suturée avec des fils résorbables
  • Pas d’hospitalisation
  • Arrêt de travail : généralement non nécessaire sauf si activité oratoire

L’intervention sous anesthésie générale :

  • Concerne certains calculs et l’ablation de la glande
  • Nécessite une incision cutanée d’environ 5 à 6 cm située sous la mâchoire et en regard de la glande (pour la glande sous mandibulaire)
  • Hospitalisation d’environ 3 à 4 jours selon l’importance du saignement post-opératoire
  • Arrêt de travail variable selon suites chirurgicales.

LA BOUCHE SÈCHE

Egalement appelée xérostomie, elle est due à un déficit quantitatif ou qualitatif de la sécrétion de salive. Il s’agit d’un symptôme fréquent, souvent négligé.

Son apparition nécessite la recherche d’une cause, ce qui permet la prise en charge thérapeutique et la prévention des complications buccales.

Son diagnostic repose sur l’examen clinique, appuyé par des examens complémentaires, effectués par votre chirurgien maxillo-facial stomatologue ou votre dermatologue.

L’examen clinique

recherchera par l’interrogatoire

Les conséquences locales de cette xérostomie :

    • Sensation de bouche sèche majorée lors de l’alimentation
    • Nécessité de prendre des liquides pour avaler des aliments secs

Et la persistance du phénomène sur le long terme (plus de trois mois)

    • La prise de médicament
    • Des séances de rayons au niveau de la tête ou du cou

recherchera, localement :

Les signes évocateurs de sécheresse buccale :

    • Lèvres collées
    • Absence de rétention de salive sous la langue
    • L’abaisse langue en bois colle à la face interne des joues
    • L’augmentation de volume des glandes salivaires (même unilatérale et intermittente)

Les complications de cette sécheresse :

    • Candidoses buccales récidivantes (cf. chapitre « candidose« )
    • Dentaires : inflammation des gencives due à la prolifération de bactéries dans la plaque dentaire et le tartre qui sont plus abondants.
    • Les difficultés à la déglutition
    • Les troubles du goût

Les examens complémentaires

  • « Le test au sucre » :permet de dépister, par la vitesse de fonte dans la bouche d’un morceau de sucre calibré, une xérostomie.
  • Le pH de la bouche : devient acide lors d’une xérostomie
  • La scintigraphie des glandes salivaires : examen radiologique particulier qui permet de renseigner votre médecin sur la morphologie, mais aussi et surtout sur la qualité de fonctionnement des glandes salivaires.
  • La biopsie des glandes salivaires accessoires (acte peut douloureux et effectué en consultation) réservée au diagnostic de maladie plus générale (cf. plus loin dans ce chapitre)

L’examen clinique , associé aux tests décrits, permet, de façon générale, d’affirmer le syndrome de bouche sèche. Sa cause peut être diagnostiqué par le simple interrogatoire (radiothérapie, prise de médicament, ménopause).

Cependant d’autres pathologies nécessitent la mise en œuvre d’examens (imagerie, biologie, biopsie) plus sophistiqués pour en faire le diagnostic et doivent faire l’objet d’un traitement approprié. Il s ‘agit (liste non exhaustive) :

  • Du syndrome de Gougerot-Sjogren (maladie auto-immune)
  • De la sarcoïdose

Au total : L’apparition d’une sensation de bouche sèche ne doit pas être négligée et DOIT faire l’objet d’une consultation spécialisée afin d’en faire le diagnostic et surtout d’en retrouver la CAUSE.